Alors voila une petite introduction. Hum, hum :
Oye ! Oye ! Braves Lecteurs !
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Ici, je publierai des nouvelles et des 'romans' plus ou moins avancés ! J'espère que mes histoires vous plairons ! N'hésitez pas à me contacter pour me poser des questions ! "Bonne lecture ! "

14 oct. 2011

Encore une histoire qui parle de ce très beau pays : la Russie !




1-Dimanche rouge

Dimanche 9 janvier (22 janvier dans le calendrier géorgien) 1905, Saint-Pétersbourg

C'était le grand jour. Le jour où Nicolas II sauvera le peuple Russe. Elle en était sûre. Ekaterina se dirigea vers son baquet et se rinça le visage avec de l'eau glacée. Elle se regarda dans un minuscule morceau de miroir. Ses yeux étaient creusés, son nez un peu crochu à son extrémité, ses joues étaient rouges, réveillées par le froid. Elle avait des cheveux secs, longs, fourchus et cassant. Ses petites mains calleuses sortirent des tas de vêtements d'un meuble crasseux. Elle se vêtit d'une, puis de deux, de trois et de quatre couches d'habits et mit un châle sur sa tête. Son regard se perdit un instant sur l'icône attachée au mur. Non, Il ne les abandonnera pas, Nicolas non plus. Elle prit son petit Alexandre dans ses bras. Il n'avait que quelques mois et avait les yeux verts de sa mère. Son petit nez se retroussa rapidement au contact du froid. Ekaterina le recouvrit d'un léger tissu pour le protéger. Elle avait décidé qu'elle irait seule avec son fils. Sa fille aînée dormait à poings fermés. Et... Et son mari, Ivan, avait été tué pendant la guerre qui sévissait toujours, celle contre le Japon. Cette guerre totalement inutile avait causé de nombreuses défaites et de nombreuses pertes pour les Russes.
Ekaterina ferma doucement la porte et la verrouilla. Les rues étaient encore blanches à St Saint-Pétersbourg. Xenia l'attendait sur le trottoir d'en face. Elle lui fit signe de venir.
« Le Pope Gapone n'est pas loin ! Nous nous rendons sur la place du Palais d'Hiver !
-C'est fantastique ! Allons-y !
-Regarde, certains ont ramené des icônes représentant notre tsar. »
En effet, des dizaines de personnes qui se dirigeaient vers la place du Palais d'Hiver portaient des icônes représentant Nicolas II et sa famille, d'autres portaient de grands drapeaux et les agitaient avec vigueur. La manifestation n'était en aucun cas guerrière. Beaucoup de femmes et d'ouvriers avaient amenés leurs enfants et leur famille. La joie était de mise. Certains chantaient, les enfants sautillaient. Les manifestants pacifistes avancèrent lentement le long de la Perspective Nevski. Petit à petit, d'autres ouvriers se joignirent à eux et formèrent un groupe gigantesque de quelques dizaines de milliers de personnes. L'ambiance était bon enfant. Ils étaient salués des fenêtres des immeubles. Les carillons des églises sonnaient gaiement. La neige crissait sous leur vieilles chaussures. Enfin, il bifurquèrent. De loin, Ekaterina aperçut la Forteresse Pierre et Paul. Majestueuse et grandiose, elle se dressait devant eux comme un obstacle impénétrable. Heureusement, ils ne devaient pas passer par là. Ils tournèrent à gauche et enfin, le Palais s'ouvrit devant eux. Il était sublime sous la neige. De somptueuses colonnades défilaient devant leurs yeux ébahis. Attroupés sur la place principale, ils appelèrent leur tsar bien-aimé. Mais certains tiquèrent. L'armée de Nicolas était massée devant le Palais. Soudainement, une rumeur se répandit dans la foule. Ekaterina se retourna, un vieillard lui annonça :
« Un autre groupe de manifestants était sur le Pont de Nerva, ils ont osé.
-Comment ?
-Ils ont chargé dans la foule. Gapone était avec eux. Les cosaques ont écrasé, piétiné... Tué.
-Seigneur... »
Un grondement s'éleva du groupe pourtant si pacifiste il y a quelques temps.
Les uniformes répugnaient les manifestants. Un régiment, le régiment Preobajenski fouettait la foule et la chassait du plat de son sabre. Ekaterina et Xenia furent bousculées.
Des tirs de semonce fusèrent, auxquels répondirent des jets de pierre de la foule. Les enfants grimpèrent aux arbres et aux statues pour voir la foule dont la colère grandit de seconde en seconde. Ekaterina, de par sa grande taille, aperçut des femmes qui s'agenouillèrent en levant leurs enfants dans le ciel pour implorer leur seigneur. Au contraire, les hommes insultèrent les soldats. La manifestation pacifiste qui demandait de meilleurs conditions de travail et l'arrêt de la censure envahissante se transforma en cohue emplie de cris et de haine. Des enfants pleuraient, d'autres riaient à gorge déployée, perchés dans leurs arbres gelés. La tension était à son comble. Ekaterina et Xenia se regardèrent, anxieuses. Ekaterina embrassa Alexandre. Les deux amies se serraient la main. Les tirs s'étaient arrêtés, des deux côtés. Les deux femmes tentèrent de sortir de la foule. Elle les en empêcha. Soudain, un tir retentit. Un enfant. Un enfant perché sur une statue tomba au sol. Le sang coula sur la neige immaculée. La foule eut un réflexe de haine. Le geste avait été commis. Les autres soldats continuèrent à tirer. Les tirs atteignirent leur cible à tous les coups. Des hommes, des femmes et des enfants au premier rang s'écroulèrent lentement. Ekaterina et Xenia suivirent la foule qui fuyait vers le centre-ville. Les soldats les suivirent sur la perspective Nevski. Xenia hurla. Une balle s'était nichée dans sa jambe. Ekaterina la tira par le bras. Xenia trébucha. Ekaterina la releva. Toutes deux tentèrent d'entrer dans une pharmacie. Les boutiques étaient toutes fermées. Le propriétaire de celle-ci était à l'intérieur. Il regarda avec horreur la foule qui fuyait dehors. Ekaterina frappa sur la vitre aussi fort qu'elle le put. Elle hurla. L'homme la regarda froidement et monta à l'étage. Ekaterina tenta de soulever Xenia, mais elle avait déjà son fils. Elle ne pouvait pas sauver les deux. Xenia acquiesça en sanglotant.
« Je reviendrai te chercher quand tout cela sera finit, je te le promet. »
Elle emmena Xenia dans une ruelle et court chez elle. Elle s'enferma, réveilla Julia et sanglota sur sa fille.
« Que s'est-il passé maman ?
-Ils ont tiré... Ils ont tiré... »
Julia regarda avec horreur par la fenêtre. Des gens couraient et hurlaient. Julia barricada la porte et les fenêtres avec des morceaux de bois.
« Comment est-ce possible ?... Comment est-ce possible ?, murmura Ekaterina.
-Notre batiouchka nous a abandonnés mère... »
Ekaterina pleura toute la journée dans les bras de sa fille. Elle avait déjà tenté de sortir trois fois de chez elle, en vain. La nuit commençait à tomber. Elle sortit enfin, en laissant ses enfants à l'intérieur. Elle ravala un haut-le-cœur. Des corps jonchaient les rues. Les derniers ouvriers dehors cassaient les vitrines des magasins de luxe. Les nantis étaient tabassés. Ekaterina courut dans la neige vermeille. Elle trébucha et se retrouva nez à nez avec un corps... Sans tête. Elle hurla et repartit de plus belle. Dans la ruelle, elle ne trouva pas Xenia. Elle vit la tâche de sang, mais pas son amie. Elle tourna alors dans la perspective Nevski et, par instinct, se dirigea vers la boutique. La vitrine avait été cassée, elle enjamba les morceaux de verre. Elle en prit un dans sa main. Ensuite, elle monta les marches qu'avait monté le lâche. Elle enfonça la maigre porte de bois qui s'écroula sous sa force. Il fallait dire que le travail avait forgé à Ekaterina de sacrés muscles. Le pharmacien qui était sur son sofa se leva subitement et fit face à Ekaterina. Xenia était allongée au sol. Son teint était aussi blanc que la neige de la matinée. Au contraire, le teint du pharmacien était aussi rouge que la neige de la soirée.
«Que fait-elle ici ?
-Elle a cassé la vitrine et a réussi à monter ici avec ses dernières forces. Elle est morte dès qu'elle est arrivée là.
-Pourquoi avez-vous gardé votre porte fermée !?
-J'avais peur. »
Le pharmacien était aussi frêle qu'une brindille. Ekaterina se jeta sur lui. Elle lui serra le cou. Elle le relâcha, il respirait encore. Il tenta d'attraper un couteau mais Ekaterina l'en empêcha et planta le morceau de verre dans son ventre. Du sang coula des lèvres du pharmacien. Il tomba lourdement au sol. Ekaterina baisa le front de Xenia et mit le morceau de verre dans la main de son amie. Elle descendit les marches sans se retourner. Elle vola ce qu'elle pût dans le magasin et courut dans la rue. Elle se lava le sang qu'elle avait sur les mains avec la neige encore blanche. Elle se rendit chez elle. Ses deux enfants dormaient tranquillement. Ekaterina se glissa dans le lit, à côté de sa fille. Elle la serra fort dans ses bras et tenta, en vain, d'effacer cette journée de sa mémoire. Elle sombra dans le sommeil et, bien entendu, fit les pires cauchemars qu'elle pouvait imaginer...